Les animaux les plus comiques sont les plus sérieux ; ainsi les singes et les perroquets.

Charles Baudelaire, De l'essence du rire, Le Portefeuille, 1855.

lundi 15 avril 2013

mercredi 7 décembre 2011

Apologie pour Georges Fourest

Si ce bas-bleu puant qui n'a plus ses menstrues
depuis mil neuf cent trois  sur un ton puritain
vient bégueuler parmi des chameaux et des grues
(oh! comme puritain rime bien avec putain!)

malgré tous ses chichis dont je ne suis pas dupe
pour payer leur salaire à ses ragots haineux
d'une main sans douceur je trousserai sa jupe
et fouaillerai sadiquement son cul breneux ;

je passementerai de clinquant ma défroque,
je me barbouillerai de sauvages couleurs,
j'entasserai le biscornu sur le baroque,
mes rimes hurleront tels des singes hurleurs!

Georges Fourest

dimanche 25 septembre 2011

Monstres et merveilles



A retrouver, entre autres surprises, dans le numéro 1 de L'Ampoule.

                                         

mercredi 24 août 2011

Sade et foudre



Et puisque j'ai parlé de Sade et de foudre, j'insisterai sur la grandiose scène de séduction-viol de Jenny -n'en déplaise aux féministes, ce sont les deux à la fois- où Walter nous fait exactement mesurer quelle part de responsabilité il faut attribuer à l'orage.

[...]"Mais pour jenny, charmante petite vierge "au gros cul" depuis toujours terrorisée par le tonnerre, c'est différent. En un rien de temps, elle devient le jouet affolé des éclairs et de son désir, pour se laisser prendre comme dans un étau entre la peur et l'excitation, jusqu'à ce que, se débattant, cédant, résistant, elle finisse par décharger en tremblant et repose enfin " immobile comme une morte, le tonnerre roulait sur nous sans qu'elle y prenne garde dans l'excitation et le plaisir délirant de sa première enfilade [...] La lumière tombait en plein sur son postérieur, je pouvais voir du poil châtain assez clair dans la fente séparant ses fesses, une macule de merde sur sa chemise. Sa chair était magnifiquement blanche. Elle portait de fins bas blancs et des jarretières voyantes".

Annie Le Brun, De l'éperdu, Stock, 2000
Préface au deuxième tome de Ma Vie secrète, Stock, 1995


Le vrai libertinage est féministe. Il préfère la séduction à la domination, la fusion à la conquête. Autant dire qu'il érige le consentement en valeur absolue.

Caroline Fourest
blog

jeudi 21 juillet 2011

Leçons sur Tchouang-tseu



Comme presque toujours dans le Tchouang-tseu, la forme dialoguée est mise au service d'une dramaturgie. La but est de mettre en scène un retournement de situation. Pour bien comprendre ce texte et d'autres qui lui ressemblent, il faut sentir la force de ce procédé. Dans un ouvrage paru il y a une vingtaine d'années, The Art of Biblical Narrative, Robert Alter a mis en évidence l'art consommé du récit que l'on trouve chez les auteurs bibliques le plus anciens. Leurs récits sont si denses, dit-il, et d'une si grande économie de moyens que nous n'en percevons plus la richesse. C'est surtout parce que nous lisons vite et que ces textes exigent une lenteur, une réceptivité, une attention au détail qu'il nous faut réapprendre. Ces remarques valent pour le Tchouang-tseu. Robert Alter montre aussi que l'analyse littéraire permet souvent d'aborder ces textes anciens d'une façon plus sûre et moins conjecturale que l'histoire, l'archéologie et la philologie critique. Il montre que le récit, surtout le récit  dialogué est l'un des plus puissants moyens que nous ayons pour communiquer notre vision de l'expérience humaine et qu'à ce titre, la fiction est un moyen supérieur de connaissance. 


Jean-François Billeter, Leçons sur Tchouang-tseu, Allia, 2002

vendredi 10 juin 2011

L'Ampoule



Fictions et réflexions au programme du Hors-série 0 de L'Ampoule.

samedi 28 mai 2011

Louise Michel par Laurent Tailhade

Louise Michel en costume de fédéré, 1871


Devant le Conseil de guerre, ses réponses vont au sublime, imposent l'admiration à ses adversaires les moins impartiaux. Involontairement, cela fait songer à la Pucelle confondant ses accusateurs. Mais la visonnaire de Domrémy, porte-parole des jongleurs franciscains, appuyait son courage sur l'absurde foi dans le surnaturel, tandis que Louise n'eut pour elle d'autre soutien que la raison, le droit, l'amour de la vérité. C'est pourquoi toutes variétés de cagots placent "la bonne Louise" si fort au-dessous de Jeanne d'Arc.

Au temps des représailles, les fusils partent seuls. Déjà Ferré, Bourgeois, Rossel, combien d'autres, avaient payé leur dette à la vengeance des repus. Quand vint le tour de son jugement, Louise, invitée à faire valoir ses moyens de défense, répondit :

"Ce que je réclame de vous, c'est le poteau de Satory où, déjà, sont tombés nos frères : il faut me retrancher de la société. On vous dit de le faire. Eh bien, on a raison. Puisqu'il semble que tout coeur qui bat pour la liberté n'a droit aujourd'hui qu'à un peu de plomb, j'en réclame ma part, moi!"


 Oeuvres posthumes / Louise Michel ; préface de Laurent Tailhade, Librairie Internationaliste, 1905


vendredi 13 mai 2011

Pas de lotus pour Madame Nhu

Pas de lotus pour Madame Nhu

Madame Nhu


Madame Nhu est morte le 24 avril 2011 dans cette résidence romaine qu’elle aimait, non loin de sa chapelle privée abritant une statue de la vierge Marie. Extravagante, catholique fervente, caustique, chic, féline et fragile, elle fut tout cela, et calomniée aussi, autant que Jiang Qing (et pour des raisons pas si dissemblables), une autre «Madame », mais du camp tout à fait opposé celle-là, puisqu'elle était Madame Mao.
Madame Nhu fut la première dame de la République du Sud-Viêt Nam de 1955 à 1963, mais une première dame spéciale à plus d'un titre. D'abord parce que le président Diem n'était pas son mari mais son beau-frère. Ensuite parce qu'elle ne transigeait pas beaucoup sur les choses de la religion. Des moines boudhistes s'immolent en signe de protestation? « Barbecue », répond-elle. A son cou, une rivière de diamants...en forme de crucifix. Et à sa solde, une milice paramilitaire composée exclusivement de femmes. Féministe aussi, à sa manière particulière. Qui ne manquait ni de classe, ni de hargne, ni d'élégance, quoi qu'on en dise et pense.
A lire :

Ngo Dinh Nhu

Nécrologie de Bruno Philip, Le Monde, 2 mai 2011


jeudi 5 mai 2011

La collection M@n des éditions Léo Scheer : salubrité d’une démarche démystificatrice

Il n’est pas certain que les intentions de l’alliance qui préside aux nouvelles destinées de la collection M@n des éditions Léo Scheer aient été appréciées à leur juste valeur. Prétendre les percer à jour, nous ne nous y risquerons pas ; en toute subjectivité, seulement présenter un point de vue.

Certains se sont probablement un peu vite gaussés de voir main dans la main celui connu pour avoir été le patron de TF1 (1988-2008) et l’un des plus célèbres éditeurs parisiens, dont on rappellera que le catalogue comporte entre autres les noms de Raymond Federman, Chloé Delaume, Pierre Guyotat, Alain Fleisher... De quoi imposer le respect et inciter à ne pas s’arrêter aux clichés et a priori négatifs. Inutile de tenter de tordre le cou aux préjugés, même si d’évidence, la caricature rance de l’actuel président du Stade Rennais cache un amateur d’art éclairé et un connaisseur pointu des grands irréguliers du langage que ce briochin d’origine (patrie de Louis Guilloux, de Villiers de l’Isle-Adam, de Jarry qui y fut lycéen) ne peut méconnaître. Inutile, en effet, car il suffit de voir ce qui se joue désormais dans cette collection M@n pour en comprendre l’enjeu réel.

Son intérêt n’est évidemment pas dans l’innovation que propose ce nouveau modèle de structure éditoriale, ni dans sa potentielle viabilité économique, mais dans le constat qu’elle pose, avec humour et sans concession, de la littérature aujourd’hui, de sa valeur, et du prix à payer de l’ambition, à savoir le sacrifice radical de tout sur-moi littéraire. Et cela, sans même que le contenu des oeuvres publiées entre en ligne de compte. Reproduisant ainsi le geste scandaleux d’un Marcel Duchamp qui fit d’un urinoir renversé l’œuvre d’art majeur que l’on sait, les deux comparses qui n’ont plus rien à prouver ni surtout de leçons de bon goût à recevoir, propulsent leur poulain derrière le stand dédicace d’un Leclerc de province où leur produit lentement s’écoule entre conserves et pâtés pour chiens.

Que la littérature tende à perdre son indépendance, ses qualités propres, sa gratuité, entraînée qu’elle est par une évolution qui n’épargne rien, acquérant pour une large part les caractères d’un produit industriel, fabriqué et consommé en série, avec obligation de rapporter des dividendes... Voilà qui n’est pas neuf, il est vrai. Mais il y a dans cette éclatante illustration par l’exemple, dans le cristal implacable de ces faits, la beauté, la fougue, l’alacrité du jeune Caligula intronisant son canasson sénateur.

Gageons que la génération montante saura apprécier à sa juste et vraie valeur la tonalité à la fois subversive et démystificatrice de ce message.



mercredi 4 mai 2011

Emma la rouge

Emma Goldman (1869-1940)

 « L’une des femmes les plus dangereuses d’Amérique ».

J. Edgar Hoover, futur chef du FBI, 1917

mardi 3 mai 2011

Cochons-sur-Marne


Chaque moderne porte en soi une petite Eglise infaillible dont il est le Christ et le Pontife et la grosse affaire est d’y attirer le plus grand nombre possible de paroissiens.

Belluaires et porchers

Un trait caractéristique du bourgeois est la peur de toute détermination héroïque chez les autres, aussi bien que chez lui-même.

Quatre ans de captivité à Cochon-sur-Marne

jeudi 28 avril 2011

La Parole à Mycose

Sous peu, en ces colonnes, honneur et bonheur, la prose acerbe d'Henri Mycose, ancien universitaire spécialiste de Kundera, désormais membre actif et viril du C.A.K.E. Cette nouvelle rubrique de Macache ! s'intitulera "La Parole à Mycose" ; billets d'humeur, recensions rageuses au programme. Pour rappel, le portrait de ce vieil Henri :




Henri Mycose était un universitaire dérangeant pour l’Université, au look très post-dadaïste : une allure de bon élève avec des grosses lunettes, en costume toujours correct mais qu’on pressentait capable du pire. A juste titre. Rétrospectivement, sa prédilection pour les cravates cuisses-de nymphes parait annonciatrice de l’une des déviances qui lui ont valu sa récente mise à pied. Depuis, Mycose  a décidé de régler ses comptes non seulement avec sa stricte éducation judéo-chrétienne, mais aussi avec sa hiérarchie, ses collègues, et enfin avec bon nombre de ses soit-disant amis écrivains, performers, poètes dont il a vanté durant toutes ces années les oeuvres du haut de sa chaire, et qui depuis sa disgrâce l’ont lâchement laissé tomber. 


A lire sur le site du C.A.K.E, un extrait de son "Journal d'une auto-destruction" 

dimanche 24 avril 2011

Tous les directeurs de comité de lecture ne s'appellent pas Queneau


D'après l'article de Raphaëlle Leyris, "Naïfs, fervents, bavards et bizarres", Le Monde, 14/04/2011.

Accordons-nous sur ceci, très consensuel : le pullulement des publications sur la Toile a au moins pour vertu d' épargner la vie des arbres en économisant le papier. Mais le bienfait de ce phénomène n'est pas seulement écologique, il est plus largement social. Le recours au web offre effectivement un formidable exutoire à tous ceux dont le manuscrit a été rejeté par différentes maisons d'édition. On peut faire le pari que bien des passages à l'acte vengeur ont ainsi été évités avec la propagation des écrits sur Internet. La collection de lettres d'auteurs refusés établie par Queneau durant presque trente ans, alors qu'il siégeait au comité de lecture de Gallimard  est  un témoignage édifiant : du dépit, de la violence, de l'amour aussi qui transitait par ces envois épistolaires sans retour. Traces écrites fragiles, sensibles, qu'il est émouvant de voir Queneau conserver méthodiquement, constituant ainsi une banque d'archives mineures, normalement destinées à être détruites. D'autres professionnels, notamment parmi les médecins, les magistrats, les avocats, les directeurs d'école agissent de même, pour des motivations variées ; peut-être d'abord pour garder une mémoire vive de leur activité et plus précisement de ce qu'elle peut charrier de sentiments, d'actes d'écritures inclassables.
Tous les directeurs de comité de lecture ne s'appellent pas Queneau. A l'heure des lettres de refus stéréotypées, des mails et de Facebook, ces pratiques sont probablement vouées à tomber en désuétude.


jeudi 21 avril 2011

Emile Aillaud, architecte

Il semblerait qu'enfin de plus en plus de voix s'élèvent pour parler de l'oeuvre d'Emile Aillaud autrement que par des raccourcis calomnieux et caricaturaux. Chbebs!, à sa manière bien particulière et toute fictionnelle (et c'est sans doute la première fois qu'Aillaud l'architecte prend corps dans un personnage de papier), lui rend également hommage. A sa cité, surtout, dont il était si fier : La Grande Borne.


Le vieil homme, face à la télé, regarde SA banlieue flamber. Il a en effet quelques droits sur elle, puisque c’est lui qui l’a édifiée quarante ans plus tôt. C’est dans son cerveau qu’elle était née, pas ailleurs. Il n’avait certes pas été peu fier d’avoir suscité le dégoût d’un Giscard gratifiant d’un « Quelle horreur » ses célèbres Tours Nuages qui s’alignaient à l’horizon. Mais là, c’était la plus belle récompense que l’on pouvait lui faire. La vraie consécration, si longtemps attendue après toutes ces années de méprise et de calomnie. Lui en avait-on assénées, des âneries ; qu’il avait construit des clapiers ; que ses tours genre « montres molles » ressemblaient à des cannelloni ; créateur de ghettos ! Mais voilà : la vocation révolutionnaire de sa cité enfin révélée. Des individus nés entre ces murs et qui en avaient déniché les plus pratiques trappes, s’étaient ingéniés à concevoir de nouvelles caches, à creuser de nouveaux dédales, avaient fini par débusquer les passages secrets que le facétieux architecte n’avait jamais fait figurer sur aucun plan. 

Chbebs !, chapitre X, p.45.



 



Quelques traces d'Aillaud sur le ouèbe :

http://emile-aillaud.skyrock.com/

http://archiguide.free.fr/AR/aillaud.htm

http://www.grigny91.fr/histoire/27.htm

lundi 18 avril 2011

Mon interview au Pandémonium Littéraire

Pour la parution de "Chbebs !", interview réalisée le 26/03/11 par Marianne Desroziers pour le blog du Pandémonium Littéraire.

- Salima Rhamna, qui se cache derrière vous ?

- Salima est véritablement mon second prénom... Rhamna est mon nom d’écrivain, en hommage à la région où ma maman a grandi, au Maroc. Leur association est un clin d’œil à l’écrivaine fictive inventée par Raymond Queneau, Sally Mara, sous l’égide duquel j’aimerais placer mon Chbebs !

- On peut en savoir un peu plus sur vous ?

- J’ai passé (allègrement) la trentaine, et j’enseigne le français dans un collège, dans la région de Bordeaux.

- Votre roman a notamment pour cadre la banlieue. Y avez-vous habité ?

- J’ai grandi dans une cité de l’Essonne, qui sert de modèle à celle que je décris dans Chbebs ! Je garde non seulement un souvenir merveilleux de cette cité mais des attaches amicales. Mes racines sont là-bas. Et j’ai voulu que ce roman soit aussi un hommage au fabuleux concepteur de cette cité, Émile Aillaud, qui est également le papa si injustement vomi des célèbres « Tours nuages » de Nanterre.

- Au fait, « chbebs », qu’est-ce que ce mot signifie ?

- C’est de l’arabe, et c’est de l’argot... À une autre époque, on aurait appelé un chbeb un mignon. Bref, une jolie tapette.

- Vous définiriez votre livre comme un livre gay ?

- Difficile de trouver plus moche étiquette. Non, surtout pas. Même s’il y est question d’amour entre mecs. Et même s’il y est encore plus question de nostalgie d’une certaine forme de discours et d’action tels qu’ils ont eu cours dans les années 70, avant que le « milieu homo » ne tombe presque totalement dans un intégrationnisme consumériste. C’est de ça dont je voulais parler aussi, à travers le personnage de Treuffais, un vieux pédé comme notre époque serait bien incapable d’en produire, et c’est sûrement très dommage. Donc, si vous tenez absolument à ranger mon livre dans un genre, je dirais « polar spagaytti ». Car il s’agit d’un roman noir, mais d’un roman noir « anti-Manchettien ».

- Venons-y... Marcel Treuffais...ce personnage est emprunté à Nada de Jean-Patrick Manchette, n’est-ce pas ?

- Je vais être obligée de parler de moi à nouveau. J’ai grandi cité de La Grande Borne à Grigny donc, à une époque où l’on ne parlait pas de « mixité sociale » mais où ça avait une existence réelle, la cohabitation d’ouvriers et de gens de la classe moyenne. On habitait là. Et dans la famille, côté père cette fois, il y avait cet oncle harki. Très OAS. Autodidacte alcoolique qui m’a marqué, le salaud, et paix à son âme, au fer rouge. C’était un dévorateur de polars, aussi. Bref. Je suis entrée en littérature par sa bibliothèque, à l’oncle, et pardon si c’est pas follement original. C’est comme ça que j’ai découvert A.D.G, entre autres. Chbebs ! est beaucoup plus proche d’A.D.G. que de Manchette, c’est certain.

- C’est une réécriture de Nada ?

- Oui, je crois bien... J’ai repris la trame de Nada et le personnage de Treuffais...pour aller au bout de celui-ci, pour en tirer la substance. Manchette ne fait que l’esquisser, en fin de compte. Il le passe à la trappe. Il l’esquive. C’est comme s’il le dérangeait. Et puis bien sûr, j’ai transposé, dans le contexte d’aujourd’hui. Avec une esthétique « contre » Manchette, donc, « polar spagaytti »... Je dois dire que j’adore le genre western spaghetti… Comment faire rire, pleurer, tresser ensemble politique, grotesque et sublime, profane et sacré. Faire tenir tout ça ensemble. Mention toute spéciale aux chefs-d’œuvre de Sergio Corbucci, et d’abord à Il Grande Silenzio. Je me suis beaucoup inspirée de cette démarche, pour la visée satirique aussi.

- De quoi votre roman est-il la satire ?

- De beaucoup de discours très dans l’air du temps et que je trouve pour ma part odieux et insupportables et très drôles aussi. Je pense aux impeccables implacables de « l’insurrection qui vient ». La ferme de Tarnac payée par papa. Toujours un peu sciée de lire leurs tribunes dans Le Monde. C’est un exemple. Mais la cible, d’abord, c’était Manchette. Et puis Houellebecq aussi. Leurs trucs pour fabriquer de « l’humour » sont très très proches. Essayer de rire de tout ça, en montrant l’envers de la machine. C’est ce que je voulais avec ce livre. Pour moi, un pur roman noir, mais avec du rire. Qui propose en tout cas autre chose que les vieilles merdes sèches de la soi-disant rajeunie Série-Noire.

- On dirait que vous ne cherchez pas à être publiée du côté de Gallimard.

- Alors je vais être très claire : je vis de mon métier, que j’aime (enfin, pas toujours, soyons juste), et je ne cherche effectivement pas à vivre de l’écriture, et encore moins à voir mon nom sur une couverture qui tiendra deux semaines en vitrine avant d’aller au pilon.

- Quel auteur de polar vivant trouve grâce à vos yeux ?

- A.D.G. est toujours et plus que jamais vivant.

- Êtes-vous une militante de l’édition en ligne ?

- Disons que l’énigmatique Franck Joannic, mon éditeur de choc et de charme, a fait de moi une convertie. Plus sérieusement : jamais je n’aurais eu la chance d’avoir ailleurs un suivi, une lecture, un soutien, des conseils et des critiques aussi pertinents que ceux que j’ai eus aux éditions de  l’Abat-Jour.

- De quoi, alors ?

- Je vois où vous voulez en venir, Marianne... Vous connaissez mon engagement « lesbien » et je ne le renie pas, même si j’ai quitté le mouvement depuis belle lurette...je ne savais pas comment parler de mon respect, je risque le mot, de mon amour pour un certain nombre de celles qui m’ont sauvé la peau...Christine Delphy en tête... je voulais leur dire merci, tout simplement, à toutes ces grandes sœurs qui m’ont tout appris, et avant tout comment garder la tête haute toujours et hors de l’eau, ne jamais lâcher le morceau face aux manipulateurs. Il est question de cela à travers ce Marcel Treuffais que Manchette n’a fait que vivre à moitié...convaincue que j’étais, moi, qu’il méritait bien de vivre jusqu’au bout...

- Pourquoi ne militez-vous plus ?

- L’âge...l’envie...celle de pouvoir dire par exemple que ce gros sac frontiste d’A.D.G., son œuvre, sa langue m’importent. Queneau aussi, dans le genre cohabitation avec la cause féministe, ça peut faire doucement marrer. Aucune contraction entre ces engouements et mes convictions. Mais hors chapelles.

- Que vous reste-t-il de cette expérience ?

- Des rencontres. Des rencontres de femmes et d’hommes qui ont lutté, avec beauté, sensualité, amour, humour.

- L’esprit de 68 souffle-t-il dans Chbebs ?

- A travers Treuffais, oui, peut-être...l’insoumission, l’amour libre, le refus de toute forme de domination, une radicalité qui n’exclut pas le rire mais au contraire l’encourage...voilà ce que cette époque a tout de même légué. Ce n’est pas rien.

- Que pensez-vous de la démarche de M.-E. Nabe ?

- Nabe est le prototype du faux proscrit qui dispose de l’appui des médias et pas de n’importe lesquels, mais aussi de tout un soutien logistique lui permettant de monter sa petite entreprise. Donc lui peut se permettre de se faire le chantre de l’auto-édition. Il écoulera son produit. Mais pour les autres, ceux qui n’ont pas l’oreille des médias, n’ont aucune notoriété et qui se disent que l’auto-édition c’est l’avenir, eh bien je dirais non, c’est pas du pas tout l’avenir, c’est au contraire une énorme foutaise. On voit très bien à qui ça profite.

- Payer pour lire, alors qu’on trouve tellement de choses gratuites sur Internet...Qu’en pensez-vous ?

- On ne lit pas de la même manière un truc sur lequel on tombe au hasard de la Toile, et un livre, fût-il sous la forme d’un fichier PDF, que l’on choisit d’acheter parce que, pour telle ou telle raison, on a envie de le lire. Parce que Chbebs ! est un livre, je vous prie de le croire, c’est ma chair, c’est mon sang, comme dirait Bala, même s’il n’en a pas l’allure (d’un livre). Je suis bien consciente qu’un fichier PDF, c’est pas la panacée. Que ça puisse même débecqueter. Mais  je suis persuadée que c’est de ce côté-là, celui des éditions de l’Abat-jour et de quelques autres, qu’est en train de se faire quelque chose de neuf, de perturbant, en matière de littérature. Allez regarder par exemple du côté de Les doigts dans la prose...

- Pourquoi vous abriter derrière un pseudonyme ? N’est-ce pas par lâcheté ?

- Pour une part, oui. Préserver ma petite et relative paix sociale, ça compte. Bien consciente que c’est fort peu glorieux. Mais c’est aussi et tout autant par refus de me faire un nom ou de rechercher une reconnaissance. Salima Rhamna, qu’elle soit le symbole de tout cela : que l’écriture n’est pas la vie (assez traqués par la vie comme cela), mais son désespoir, et l’expression d’un moi qui n’a rien à voir avec sa manifestation publique. Calaferte dit cela bien mieux : « Après tout, écrire n’est rien d’autre que s’avouer malheureux. Il serait si commode de ne jamais ruer dans les brancards ». Pour finir et puisqu’on en est aux citations, je voudrais ajouter sur ce sujet ce qu’en dit Jean Genbach dans Satan à Paris : « Et certes il me faut beaucoup de courage pour oser dire tout ceci, sans me soucier du sourire sceptique et désabusé de ceux qui ont été dupés par la littérature, et sans me soucier des menaces de tous les psychiatres à la recherche d’un nouveau fou. Il faut savoir de temps en temps revêtir son âme d’un smoking ».

- A qui dédiez-vous ce livre ?

- A tous ceux que j’ai cités dans cet entretien, de ma mère à Genbach, et à tous les autres que j’ai oubliés, dont Jo Bransiec.

samedi 16 avril 2011

Chbebs! dans Paludes


A écouter ici, la belle critique de Chbebs! signée Nikola Delescluse, dans l'émission Paludes (en référence à la sotie maginifique de Gide, ici sous son masque) de Radio Campus Lille.

jeudi 14 avril 2011

Le maître des transformations saugrenues



Le génie du crime, l’empereur de l’ épouvante, le maître des transformations saugrenues, celui qui modifie à volonté son visage et dont le costume, perpétuellement changeant, défie toute description ; celui à qui ne s’applique aucun signalement, celui sur qui les balles ne portent pas, sur qui s’émoussent les lames, qui absorbe les poisons comme d’autres le lait.

Pierre Véry, Les Métamorphoses, N.R.F., 1931.

lundi 11 avril 2011

Renards sensuels et crevards en fuite

Le petit Fred bossait comme vendeur maintenant. Il avait grandi ! Mais toujours sa bouille adorable, et cette taille souple qui filait entre les doigts, quand l’envie trop forte prenait de la serrer, l’anguille, contre son cœur. Ni une ni deux, Doze l’entraine.
 T’as monté en graine, petit salaud. Mais tu me plais toujours et plus que jamais, tu sais ça ? 
Et, lentement, il lui glisse une main et se laisse mater les tatouages, renifler les aisselles par un petit Fred devenu tout fou de se retrouver ainsi entre les bras de son idole. Petit Fred de la Grande Borgne lui aussi, que Doze initia. Le Petit Fred lui aussi complètement insoupçonné dans cette cité où pourtant tout, absolument tout se savait. Tendresse si chaude qu'il se serre encore un peu plus contre Doze qui  l'embrasse  à pleine bouche, derrière le rideau de la cabine.
  Petite vache, lui dit-il. Pourriture. Merdeuse.
Tiens, soupire Petit Fred surjouant à son tour, je sais bien que t’en pinces plus que pour David.
Ils se marrent en sourdine de leur numéro.
Tais-toi. Ferme donc ta petite gueule. Petite salope. Tu sais pas de quoi tu parles.
― N’empêche, tu m’as bien manqué.
 Ca me fait plaisir d’entendre ça. Montre un peu voir comme je t’ai manqué. C’est ça, comme ça. 
Soudain Petit Fred met fin à leur ironique oaristys, il tire prudemment le rideau vert-nil de la cabine en forme d’U et tous deux s’engouffrent dans l’obscurité qu’ils fouissent, ils se baissent mains à tatons, se recroquevillent, frôleurs, odeur de placard oublié, cherchent dans le noir leurs regards s’accrochent, nez fureteurs, poussière encens, anxieux soudain, dans la pénombre lustrale la voix enrouée d’une vendeuse qui s’éloigne à pas feutrés sous leurs gélasmes, les yeux grands ouverts font silence frelon, renards sensuels qui s’effleurent, murmures cotonneux, marasquin des langues nouées, haleine d’agrume, une veste cafetan sur le cintre qui tombe, chatouilles puis ils se pincent, ondulent, frétillent, chahutent à plat ventre, poissons farceurs, butinent aux aisselles rugueuses, rient, étrillent, s’agrippent, se déchaînent souffles coupés  à califourchon, ce sont alors aux frocs de méchantes prises qui font mal, à corps perdu, paumes moites, roulades, orvets qui glissent entre les doigts, tiédeur suffoquée dans la nuque aduste, leurs silhouettes dans la demi-pénombre bleutée de la cachette, ils palpent, en boule, genoux droit qui s’enfonce dans la chair molle de la gorge, de la tête idiote et mafflue, griffent, serrent, mains crispées sur la pomme d’adam, dans le gras des joues, langue fendue, reniflements, l’un savate et  ceinture, sons chevrotants, l’autre empoigne l’ergot tuméfié, inflige un shampoing, la pulpe des doigts sous les ongles en deuil une odeur de résine et de tanin, jasmin le velours de la moquette râpeuse où s’écorche la joue et meurent les cris sans voix, les crissements, griffée la peau brune et molletonée de son dos, enfin l’apaisement des corps hachés de syncope.

Chbebs !, chapitre VII, p.33.

vendredi 8 avril 2011

Des agents littéraires pas comme les autres

Mobilisés au service des livres peu médiatisés, les agents littéraires ?
Les vrais agents, non, bien sûr, mais les deux chics types qui viennent de fonder ce site d’altèque, c’est bien possible ! Vince et Manu (je ne les connais pas, mais ça fait plus sympa) se proposent de donner une plus grande visibilité à des livres publiés par de petites maisons, qui passent donc inaperçus, en filant un coup de main gratis aux auteurs et éditeurs sans réseau. Ça tombe bien, c’est mon cas, et trois membres du site doivent critiquer prochainement mon premier roman « Chbebs ! » : on verra bien le résultat…
En attendant, un autre bouquin de mon éditeur, « Tuer le temps », a effrayé la lectrice qui s’est plongée dedans : elle termine sa critique en le qualifiant de « livre lugubre [qu’elle a] hâte d’oublier ». Meilleure critique du monde !

Pour finir, mention spéciale au site Livrogne qui vient de publier un article élogieux sur « Chbebs ! » : que son auteur en soit remercié !